Les varices pelviennes sont fréquentes chez les femmes ayant eu des grossesses: c’est une réponse physiologique à la grossesse. Toutefois, elles sont dans certains cas être symptomatiques: elles sont la cause de douleurs du bassin (syndrome de congestion pelvienne) ou alimentent des varices atypiques au membre inférieur, en constituant une fuite pelvi-périnéale. Leur traitement est efficace et permet un contrôle pérenne de la symptomatologie.
Cause des varices pelviennes.
Dans le cas général, les varices pelviennes se développent lors des grossesses, pour assurer le retour veineux de l’utérus. Ce phénomène physiologique se dégrade lorsque le drainage veineux du bassin ne s’effectue pas correctement, notamment lorsque les veines iliaques présentent un rétrécissement (voir plus spécifiquement le syndrome de Cockett ou en présence d’une incontinence de la veine ovarienne.
La veine ovarienne gauche assure normalement le drainage du sang du bassin vers la veine rénale gauche puis la veine cave. Lorsque elle se dilate, les valvules qui empêchent le sang de redescendre dans le bassin ne s’affronte plus, et le flux se fait alors préférentiellement depuis le rein gauche vers les varices pelviennes, en suivant la gravité.
Cette incontinence de la veine ovarienne gauche est le plus souvent une conséquence directe de la grossesse, qui perturbe le retour veineux au niveau de l’abdomen. Plus rarement, il existe un rétrécissement de la veine rénale gauche, ou syndrome de Nutcracker qui impose le drainage du rein gauche vers le bassin via la veine ovarienne gauche.
Conséquences des varices pelviennes ?
Le plus souvent asymptomatique.
Anatomiquement, les varices pelviennes sont fréquentes après les grossesses. Toutefois, dans la majorité des cas, elles sont parfaitement tolérées.
Varices atypiques sur fuite pelvi-périnéale.
Le drainage des varices peut s’effectuer au travers du périnée. Il provoque des varices au niveau du périnée (notamment varices vulvaires, fréquentes lors de la grossesse) ou au niveau de la cuisse, le plus souvent dans des sites inhabituels. Ces fuites pelvi-périnéales entraînent, si elles ne sont pas traitées, une progression rapide des varices ou des récidives précoces après chirurgie.
Syndrome de congestion pelvienne.
Les douleurs exprimées par les femmes, notamment autour de la période des règles, ont longtemps été négligées et considérées comme étant dans l’ordre des choses. Heureusement, cette situation évolue, et cela conduit au diagnostic de maladies qui peuvent être traitées efficacement. La principale est bien entendu l’endométriose, qui doit être évoqués de première intention, et éliminée avant de proposer le diagnostic de syndrome de congestion pelvienne. Il comporte:
- une sensation de pesanteur puis de douleurs dans le bassin, au niveau de la fosse iliaque gauche,
- majorées par la station debout ou assise prolongée, l’effort physique,
- ainsi qu’en période péri-menstruelle.
Des douleurs profondes lors des rapports sexuels, la présence de sang dans les urines peuvent l’accompagner.
Comment établir le diagnostic ?
La principale difficulté est de confirmer la responsabilité des varices pelviennes par rapport à la symptomatologie décrite, notamment dans le cadre du syndrome de congestion pelvienne: c’est un diagnostic d’élimination, qui ne peut être retenu qu’après un bilan gynécologique complet.
Echographie.
L’échographie pelvienne, conventionnelle ou transvaginale, est le plus souvent réalisée par le gynécologue. Elle visualise des varices dans le bassin, le plus souvent situées en fosse iliaque gauche, autour de l’utérus. L’échographie doppler veineuse, dans le cadre des varices atypiques, précisera la localisation des varices et pourra retrouver un point de fuite pelvien.
Phléboscanner.
C’est un examen radiologique par scanner, réalisé avec injection de produit de contraste, avec acquisition tardive des images. Il permet de visualiser les veines iliaques, cave, rénales, ainsi que la veine gonadique gauche et les varices pelviennes. Il permet surtout de préciser la cause de ces varices, notamment la présence d’un rétrécissement de la veine rénale gauche ou de la veine iliaque gauche, mais aussi le calibre de la veine gonadique. Le phléboscanner est un examen non invasif, mais qui peut être incomplet, car le temps de remplissage des divers segments veineux peut varié.
Phlébographie et échographie intravasculaire (IVUS).
Contrairement à l’échographie ou au phléboscanner, c’est un examen invasif, qui sera réalisé le plus souvent de manière ambulatoire, sous simple anesthésie locale. Il nécessite la ponction de la veine fémorale au pli de l’aine, sous contrôle échographique. Il permet d’explorer de manière précise, en injectant dans les veines étudiées du produit de contraste, chaque segment (veine iliaque gauche, veine rénale gauche, veine ovarienne gauche, varices pelviennes) à considérer. Il est complété d’une mesure des pressions (hémodynamique veineuse) devant toute suspicion de rétrécissement. L’emploi de sonde d’échographie intravasculaire (IVUS) est une aide capitale dans les situations douteuses, qui se déploie progressivement dans nos pratiques.
Traiter les varices pelviennes.
Après avoir réalisé la phlébographie, le diagnostic de varices pelviennes est posé, et sa cause (incontinence isolée de la veine ovarienne gauche, syndrome de Nutracker, syndrome de Cockett) est établie.
En présence d’un syndrome de Cockett.
La sténose de la veine iliaque doit être traité de première intention, en réalisant un stenting de la veine iliaque comme précisé ici.
En présence d’un syndrome de Nutcracker.
La cause du Nutcracker est assez ambiguë. Un compression de la veine rénale gauche entre l’aorte et l’artère mésentérique supérieure (pince aorto-mésentérique) est souvent évoquée, mais cela reste indécis: une même distance entre ces deux vaisseaux induit de manière inconstante un Nutcracker. On évoque aussi une chute du rein dans la fosse lombaire, qui conduirait à étirer la veine et à réaliser un billot sur l’aorte. En effet, le Nutcracker survient souvent chez des patients très minces.
Chirurgie: transposition de la veine gonadique.
Plusieurs types de chirurgie ont été proposés, qui ont traité le retrécissement de la veine rénale gauche au moyen de patch, transposé la veine rénale gauche en dehors de la pince aortomésentérique, voie réalisé une auto-transplantation du rein dans la fosse iliaque. Aucune de ces techniques n’a donné de résultats probants. La méthode qui semble la plus efficace dans ce cadre consiste à transposer la veine ovarienne dans la veine iliaque gauche. Sa première description a été réalisée en 2015 ([voir ici](https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26946906/ et plus récemment ici par le même auteur). Elle permet à la fois de simplifier la procédure, et de la fiabiliser. Elle devient peu à peu la technique de référence dans cette indication
Traitement endovasculaire: Stenting de la veine rénale.
Le traitement d’un rétrécissement est très couramment réalisé par voie endovasculaire, le plus souvent en mettant en place un stent. Cela peut être proposé dans le syndrome de Nutcracker, et réalise une alternative beaucoup moins invasive à la chirurgie conventionnelle. Toutefois, cette procédure comporte des complications non négligeables, notamment la possibilité de migration du stent dans le cœur puis les poumons.
Pourquoi privilégier la chirurgie ?
- les patientes traitées sont jeunes, et le traitement doit être efficace au long cours, là où les traitements endovasculaires sont généralement moins durables;
- La compression de l’artère par l’extérieur est une mauvaise situation pour les stents, avec un risque de récidive important;
- la chirurgie est certes délicate, mais comporte peu de complications.
Embolisation de la veine gonadique.
L’embolisation de la veine gonadique ne doit être proposé qu’en absence de sténose des veines iliaque et rénale gauche. Notamment, l’occlusion de la veine gonadique en présence d’un syndrome de Nutcracker va aggravera la symptomatologie car cette veine est la principale voie de drainage du rein. Emboliser consiste à occlure un vaisseau au moyen de divers corps étrangers (spires métalliques, colle, plug, bille). C’est une procédure endovasculaire, qui est généralement réalisée dans le même temps que la phlébographie. La procédure peut être longue, complexe, mais reste réalisée sous anesthésie locale, après administration d’une prophyllaxie antibiotique. Les matériels employés sont très variés. Dans notre pratique, la technique du sandwich coils – sclérosant – coils permet l’obtention de bons résultats. Les complications du geste sont limitées:
- Hématome sur le point de ponction, notamment sur ponction artérielle accidentelle, exceptionnel si la ponction est réalisée avec repérage échographique;
- Complication liée au contraste iodé, notamment allergie ou toxicité rénale, là aussi exceptionnelle;
- Migration de coils durant la procédure ou dans les suite, avec embolie pulmonaire. Cette complication est aujourd’hui théorique du fait des progrès réalisés sur la matériel employé. Il n’a pas d’incidence lourde dans le cas général.
Au total.
- Les varices pelviennes sont méconnues et traitées.
- Dans le cadre du syndrome de congestion pelvienne, leur traitement vient après que les causes gynécologiques (notamment endométriose) soient éliminées.
- Le bilan préopératoire est assez complexe. L’examen clé est la phlébographie, de plus en plus souvent associée avec l’échographie intravasculaire.
- Les traitements disponibles sont efficaces et durables. Ils sont le plus souvent endovasculaires (embolisation de la veine ovarique gauche) mais sont parfois chirurgicaux dans le cadre du syndrome de Nutcracker.